jeudi 29 mars 2018

La mort et l'amour.



Cela faisait une semaine que j’essayais de composer mon homélie pour Pâques, pas moyen ! Chaque fois que je m’y attelais, la figure d’Arnaud Beltrame me sautait à la figure ! Pour finir, je crois que j’ai compris : Arnaud lui-même doit entrer dans cette homélie !

Arnaud est mort, et toute la France, tétanisée, stupéfaite, pleure… Mais, paradoxalement, son sacrifice – car c’est bel et bien un sacrifice, n’en déplaise à ceux qui disent qu’il n’a fait que son travail de gendarme – paradoxalement son sacrifice a donné un souffle de vie, a réveillé (tiens, c’est le même mot appliqué par l’Ecriture à la Résurrection : Jésus « s’est réveillé d’entre les morts »), a réveillé tout le pays. Tout à coup chacun se dit : « A cause de ces hommes qui donnent leur vie pour les autres, nous sommes un beau et grand pays, vivant, capable d’aimer et de sauver, loin de la volonté de puissance et du tout money. Il y a encore place chez nous pour le don gratuit. »  Oui,  Arnaud nous a réveillés.


Une devise de la gendarmerie : « Ma vie vaut moins que la vôtre.»… C’est un écho de la parole du Christ : « Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Oui, le don de soi et l’amour des autres sont des valeurs extraordinaires que nous pouvons, sans faire les malins, proclamer à la face du monde.

Je dis bien : le don de soi ET l’amour des autres. Le don de soi, c’est la mort pour les autres ; l’amour c’est la vie, c’est Dieu.   La mort –« ma sœur la mort », disait François d’Assise – et l’amour sont frère et sœur. Avant Tristan et Yseult, avant les tragédies de Jean Racine, nous savions que le Vendredi Saint et le dimanche de Pâques sont un seul et même mystère.

La Résurrection, c’est l’amour qui traverse la mort. A la suite du Christ, Arnaud a fait un travail de résurrection. Et je dis que chaque fois qu’un homme, une femme ou un enfant sort de ses pantoufles pour aller vers les autres, ce qui veut dire marcher sur son confort pour sortir de soi, il fait un travail de résurrection.

samedi 24 mars 2018

Variations sur les anges



Les anges, à quoi ça sert ?

Comme le chant des alouettes ou l'odeur du chèvrefeuille, pour nous les anges sont là pour enchanter le ciel. Ils sont là pour chanter Dieu, éperdument, dans une sorte de joie non-stop comme la musique du MP3 si prisée par les jeunes à écouteurs…. Ils chantent, c’est tout. C’est rien et c’est tout.

Ma mère avait demandé que, pour ses obsèques, on passe le Requiem de Fauré, surtout le « In paradisum ». Au fond, pour elle, au-delà de sa mort, cette merveille était comme un prélude au chant des anges…. Car certaines musiques nous obligent à lever les yeux pour essayer d’apercevoir qui chante, à l’instar des alouettes, si haut dans le ciel.

« Il rit aux anges », dit-on devant un nouveau-né. En Afrique, on dit qu’il rit à Dieu. Au fond c’est la même trajectoire, car ceux qui croient aux anges savent bien que ceux-ci sont des flèches vers Dieu. Et le tout-petit est sans doute peiné de quitter une telle splendeur pour entrer dans la rude vie des hommes. Nous autres pauvres pioches, nous n’avons pas le temps de chanter, occupés que nous sommes par le business ! Nous préférons laisser aux moines, ou à la belle nature, le soin de la louange.

Dans la foulée, j’ai envie de penser que mon ange gardien, c’est Dieu lui-même. Dans la Bible, les quelques anges nommés, Gabriel, Michel, Raphaël, ont tous « el » dans leur nom, « el », « celui qui est », terme qu’emploie le Livre pour ne pas nommer Dieu, par respect. Et quand on parle de « l’Ange » au singulier, il s’agit d’une autre métaphore pour désigner Dieu. Dieu plus proche de moi que ma veine jugulaire, comme disent les musulmans… Depuis la venue de Jésus, nous autres chrétiens avons l’idée un peu folle que Dieu est à notre porte, qu’il est là où je ris, où je pleure, où je vis. Comme mon ange gardien, en somme.

L’art du Moyen Age et de la Renaissance a peuplé nos églises d’anges, certains plus beaux que Johnny Hallyday, d’autres joufflus, dodus, voletant de préférence autour de la Sainte Vierge. Ma foi, chacun est libre de son imagination. Aujourd’hui on préfère parler d’énergie, de fluide, de « pôle positif ». Quelque chose de fort et d’insaisissable. Mais le plus vrai reste que les anges gardiens sont un signe : celui de la proximité de Dieu.

Un jour, peut-être, joindrons-nous nos voix aux leurs ?