samedi 23 décembre 2017

7. Nomades de notre temps.

Voici la dernière méditation sur le thème de "Dieu nomade".



Les autres dérangent, c’est connu. Quand un autre entre dans ma vie, tout un monde imprévisible entre avec lui ! « Je peux tout prévoir, sauf les autres », dit Marion Muller-Colard. Oui, les autres dérangent ; rien que par leur présence d’abord, mais aussi parce qu’ils sont différents. Ils m’obligent à bouger, à leur faire une place. En clair, si j’accepte de les laisser entrer, je vais devoir quitter mes pantoufles pour devenir nomade avec eux.

A la fin de ces réflexions, je me demande, je nous demande : comment suivre Jésus qui bouge, jésus qui danse, Jésus nomade ??? Comment prolonger les prophètes ? Est-ce réservé aux géants tels l’abbé Pierre ou Mère Térésa ?
Il n’y a qu’un moyen, à la fois simple comme bonjour et ardu comme les pavés du Paris-Roubaix, c’est : aimer… Regardons la parabole du bon samaritain. Ce n’est pas pour rien que Jésus a mis en scène un non-juif, un type pire qu’un « goy » pour les juifs : un samaritain ! N’oublions pas que Jésus lui-même a été traité de samaritain (Jn 8/48), une insulte rappelant les montagnards du Nord-Cameroun pour qui la pire injure est de se voir traité de « forgeron ». Alors ce samaritain ? Avons-nous mesuré l’effort qu’a dû faire cet homme pour sortir du passage clouté du qu’en dira-t-on ? Il a aidé un juif, pire, un homme en sang, autrement dit impur.

Au fond, aimer c’est sortir de soi, c’est risquer le vent du large… Ce cultivateur du Midi qui a hébergé des migrants, qui l’en a obligé ? Il a senti un appel puissant, un appel intérieur. Un appel à ouvrir sa maison, son terrain, son cœur, pour se retrouver errant avec les errants. Que je sache, les décisions du tribunal ne l’ont pas fait partir en zig-zag ; il est resté droit dans ses bottes, tel que rien ni personne ne pourra l’empêcher de récidiver.
Les nomades sont divers : certains le sont par tradition, d’autres pour sauver leur peau. Et puis il y a ceux qui, à l’instar de Dieu, acceptent d’être dérangés. Ceux-là entreprennent un voyage sans fin, car on n’a jamais fini d’aimer.

Il y a un autre voyage, plus  étrange. Celui qui me fait bouger « à l’intérieur », en cherchant Dieu. Rainer Maria Rilke appelle ça « écouter au-dedans »… Quête incessante, recherche merveilleusement chantée dans le Cantique des Cantiques. C’est la recherche très personnelle, très secrète du Dieu nomade… Car Dieu est toujours plus loin, au-delà de notre cœur, libre. C’est ce voyage intérieur qu’entreprit St Augustin, et après lui Al Halladj, Thérèse d’Avila… Comme l’écrit Gilles Rebêche, diacre : « C’est en marchant qu’on trouve le chemin ».  
Ajoutons que ce déplacement intérieur suit le même chemin que le voyage vers les autres. Il lui donne sa couleur, son goût. Comme la parole de Jésus vers son Père trouve son sel quand on sait qu’elle a été dite dans la poussière des routes de Galilée. Le Petit Prince de St Ex se comprend mieux à travers l’expérience du désert que fit son auteur. Et le voyage intérieur d’Etty Hillesum prend toute sa valeur quand on sait qu’il a été parcouru dans la terreur du camp de Westerborck, à travers sa route vers la mort.


Concluons par le commencement de ces réflexions : les chercheurs de Dieu sont animés par l’Esprit qui planait sur les eaux au début du monde. Ils sont fragiles, ces chercheurs, pas sûrs du lendemain, comme tous les nomades. Mais ils savent que l’Esprit de Dieu les prend pour les entraîner dans sa danse.

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