Il y a des petites choses qu’on
lit comme ça, un peu vite. Et puis un jour on se dit : « Tiens tiens c’est curieux ! »
Voilà ce qui m’est arrivé l’autre jour en lisant, dans l’évangile de
Jean, l’épisode de la pêche après la résurrection (Jn 21/4-14). Là, li y a un os : les
apôtres ont fait une pêche énorme : 153 gros poissons. Une belle prise !
Alors que Jésus, au verset 5, leur a demandé à manger. On va se régaler !
Mais quand ils abordent avec leur butin, Jésus a déjà grillé du poisson et
coupé le pain. Bizarre n’est-ce pas ?
Et puis non, ce n’est pas aussi
bizarre que cela. Nous sommes dans la logique de l’Evangile, dans la logique de
Dieu qui, toujours, donne le premier.
Il donne, il se donne comme ça, sans attendre nos « mérites » !
Dieu donne d’abord, et pour rien, sans rien demander en échange. Dieu coiffe
gratis !
On voit ça dans tout l’évangile.
Voyez Jésus qui discute avec la samaritaine près du puits (Jn 4). Il demande à
boire, et cela étonne la dame. Alors Jésus lui dit : « Si tu savais le don de Dieu, et qui est
celui qui te demande à boire, c’est toi qui lui aurait demandé, et il t’aurait
donné de l’eau vive. »… Et la femme adultère en Jean 8 ! Jésus ne
lui fait même pas la morale, il ne la gronde pas. Il la libère d’abord, alors
qu’elle allait se faire caillasser à mort. Et après seulement, il lui dit : «
Va, et ne pèche plus. » On ne
sait pas si la dame a arrêté de courir le guilledou. Mais c’est de là, de cette
attitude de Jésus, que vient la hargne des pharisiens : il va manger chez
n’importe qui, il va loger chez Zachée-les-impôts, il entre chez un
romain ! C’est trop !
Oui nous avons du mal à imaginer
Dieu sans conditions, comme ça, parce qu’il est Dieu. Jésus aime sans
condition, même quand on n’a pas les mains très propres. Et pour finir, the
last but not the least, il a nourri 5000 hommes sans leur demander leur
passeport. Nous qui, dans l’Eucharistie, pratiquons une communion de façon
parfois fort sélective, cela donne à penser.
Dans notre monde où tout
s’achète, on a du mal à comprendre Dieu qui coiffe gratis. On a l’habitude de
voir notre relation à Dieu comme un contrat : « Si je suis sage, tu seras bon avec moi
Seigneur ! Si je ne suis pas sage, je n’aurai pas volé tes coups de
bâton ! » Là, on n’est pas loin du « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ? » Sous-entendu : « J’ai été sage, j’ai respecté le contrat,
mais Dieu ne l’a pas respecté ! »
Or il n’y a pas de contrat entre
Dieu et nous, aucun contrat. De plus en plus, mon livre de la Bible
préféré, c’est le livre de Job. Job perd tout. Alors c’est la grogne de ses
amis, la colère de son épouse, tout ça. Mais tout à la fin, Job chante son
amour et sa confiance en Dieu. Chapeau !
J’ai beaucoup aimé le petit livre
de Marion Muller-Colard, « L’autre
Dieu ». Pas facile à lire, mais tellement vrai ! A travers la
maladie de son petit garçon, l’auteure revit l’aventure de Job. Encore
chapeau !
Pour finir, disons que nous
n’avons pas l’habitude du don gracieux de Dieu. On préfère passer un
marché : « Regarde mes
mérites, ça vaut bien une récompense, non ? » Or ces fameux
« mérites », car il y en a, et même d’héroïques, sont
une réponse à l’amour de Dieu, pas une condition pour
qu’il nous aime.
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