mercredi 31 mai 2017

St Jean

Je découvre St Jean dans un polycopié de Jacques Dherbomez, un Oblat d'Arras.

Le symbole de Jean est l'aigle, on le sait. Ce pourrait être aussi bien le cygne. Les cygnes, comme les foulques et autres palmipèdes, doivent courir sur l'eau pour s'envoler. Ils prennent appui sur l'eau, sur le terrestre, pour trouver la liberté dans un vol puissant.... Mais pour manger, s'accoupler, élever leurs petits, ils doivent revenir sur terre, c'est obligé. Comme si ces voiliers ne pouvaient pas se passer du monde des grenouilles et des hommes..


St Jean, c'est pareil: il est fait pour le ciel, mais c'est un terrien, un vrai. Il fait comme les cygnes: la tête au ciel, mais sans jamais oublier la terre. Pour lui, la terre des hommes est un tremplin vers le ciel. Sans le terrestre, son Evangile verserait dans la gnose, il s'évanouirait dans les nuages!
Regardons: pour parler de l'Eau Vive à la Samaritaine, Jésus lui demande à boire. Pour parler de l'Eucharistie, il donne à manger, là dans l’herbe. Et même après sa Résurrection, alors que ses disciples crient de peur "en croyant voir un fantôme", il croque devant eux un morceau de poisson grillé (ce qui entre nous est délicieux).

Et si Jésus prend son essor vers le ciel, il revient toujours à la terre, après avoir fait un tour chez son Père. Toujours il rappelle que marcher dans la lumière c'est ici d'abord, que l'amour de Dieu commence ici par l'amour des autres etc... Je trouve magnifique que notre foi soit aussi "terreuse", pleine d'histoires d'hommes, de cris d'appel ou de joie, voire de désespoir.

C'est à travers ce lien fort entre ciel et terre qu'il faut comprendre St Jean. Mais ensuite, Jean nous donne ce deuxième regard, que les hindous appellent le troisième œil, et qui est le regard tourné vers l'intérieur, le regard de la foi. Le premier regard, c'est la vue ordinaire, mais le deuxième nous permet de voir les choses comme Dieu les voit, telles qu'elles sont reliées au monde de Dieu. C'est le regard de Marie à Cana, celui de l'aveugle-né guéri, le regard émerveillé de Jean devant le tombeau vide. C'est le regard que donne l'Esprit de Dieu, ce cygne qui vient se poser parmi nous.

Voilà ce que j'ai médité ce lundi en voyant huit cygnes prendre leur essor ensemble. Un bruit terrible et après, le blanc de ces huit seigneurs qui montent en majesté.

lundi 8 mai 2017

Aujourd'hui , on coiffe gratis!


Il y a des petites choses qu’on lit comme ça, un peu vite. Et puis un jour on se dit : « Tiens tiens c’est curieux ! » Voilà ce qui m’est arrivé l’autre jour en  lisant, dans l’évangile de Jean, l’épisode de la pêche après la résurrection  (Jn 21/4-14). Là, li y a un os : les apôtres ont fait une pêche énorme : 153 gros poissons. Une belle prise ! Alors que Jésus, au verset 5, leur a demandé à manger. On va se régaler ! Mais quand ils abordent avec leur butin, Jésus a déjà grillé du poisson et coupé le pain. Bizarre n’est-ce pas ?

Et puis non, ce n’est pas aussi bizarre que cela. Nous sommes dans la logique de l’Evangile, dans la logique de Dieu qui, toujours, donne le premier. Il donne, il se donne comme ça, sans attendre nos « mérites » ! Dieu donne d’abord, et pour rien, sans rien demander en échange. Dieu coiffe gratis !

On voit ça dans tout l’évangile. Voyez Jésus qui discute avec la samaritaine près du puits (Jn 4). Il demande à boire, et cela étonne la dame. Alors Jésus lui dit : « Si tu savais le don de Dieu, et qui est celui qui te demande à boire, c’est toi qui lui aurait demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. »… Et la femme adultère en Jean 8 ! Jésus ne lui fait même pas la morale, il ne la gronde pas. Il la libère d’abord, alors qu’elle allait se faire caillasser à mort. Et après seulement, il lui dit : «  Va, et ne pèche plus. » On ne sait pas si la dame a arrêté de courir le guilledou. Mais c’est de là, de cette attitude de Jésus, que vient la hargne des pharisiens : il va manger chez n’importe qui, il va loger chez Zachée-les-impôts, il entre chez un romain ! C’est trop !

Oui nous avons du mal à imaginer Dieu sans conditions, comme ça, parce qu’il est Dieu. Jésus aime sans condition, même quand on n’a pas les mains très propres. Et pour finir, the last but not the least, il a nourri 5000 hommes sans leur demander leur passeport. Nous qui, dans l’Eucharistie, pratiquons une communion de façon parfois fort sélective, cela donne à penser.
Dans notre monde où tout s’achète, on a du mal à comprendre Dieu qui coiffe gratis. On a l’habitude de voir notre relation à Dieu comme un contrat : « Si je suis sage, tu seras bon avec moi Seigneur ! Si je ne suis pas sage, je n’aurai pas volé tes coups de bâton ! » Là, on n’est pas loin du « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ? » Sous-entendu : « J’ai été sage, j’ai respecté le contrat, mais Dieu ne l’a pas respecté ! »
Or il n’y a pas de contrat entre Dieu et nous, aucun contrat. De plus en plus, mon livre de la Bible préféré, c’est le livre de Job. Job perd tout. Alors c’est la grogne de ses amis, la colère de son épouse, tout ça. Mais tout à la fin, Job chante son amour et sa confiance en Dieu. Chapeau !
J’ai beaucoup aimé le petit livre de Marion Muller-Colard, « L’autre Dieu ». Pas facile à lire, mais tellement vrai ! A travers la maladie de son petit garçon, l’auteure revit l’aventure de Job. Encore chapeau !


Pour finir, disons que nous n’avons pas l’habitude du don gracieux de Dieu. On préfère passer un marché : « Regarde mes mérites, ça vaut bien une récompense, non ? » Or ces fameux « mérites », car il y en a, et même d’héroïques,  sont  une réponse à l’amour de Dieu, pas une condition pour qu’il nous aime.