lundi 15 avril 2013

Souvenirs de guerre

Je ne résioste pas au plaisir de vous transmettre ce récit de Guy Deswarte, un grnad ami dunkerquois qui a grandi à la ferme de la Grande Mare, limitrophe de la frontiètrr belge. Ce récit rappellera aux dunkerquois de ma génération, quelques "heures fortes"!

Bray-Dunes le mercredi 6 septembre 1944

J'ai treize ans.
Depuis quelque temps, les allemands, troupe de soldats âgés, étaient aussi démoralisés que nous étions heureux du débarquement et de l'avance des troupes alliées. Les "fridolins" ont quitté la ferme de la Grande Mare hier, à notre grand soulagement. Pas d'école ce matin, donc heureux! Nous sommes tous excités et joyeux, et attendons avec impatience notre libération, d'un moment à l'autre.

Vers 17 heures, un Bray-Dunois arrive en courant nous annoncer que des canadiens sont arrivés sur Adinkerque et la Belgique, et se sont installés dans un blockhaus situé sur une dune belge, à 1 km de la ferme. Nous nous précipitons avec des jumelles et les voyons à découvert. Tout le monde saute de joie et nous nous voyons déjà libérés. Il faut très beau et nous restons palabrer sur le pas de la porte, discutant de cette guerre qui se termine par la victoire certaine des troupes alliées.

Le jour décline quand il nous semble, tout à coup, entendre un bruit de pas cadencés qui nous rappelle des souvenirs désagréables de bottes allemandes. Et c'est effectivement une compagnie de ces hommes, que nous n'attendions plus, qui s'avance dans la cour, devancée par un jeune officier au regard inquiétant. Il annonce à papa qu'il vient prendre tout le bétail, chevaux et vaches que ses hommes emmèneront! Par réflexe, mon père lui demande un bon de réquisition, qu'il n'a pas. Et devant son insistance, énervé, l'officier sort son révolver et le menace. Mon père lui demande alors de pouvoir au moins l'accompagner pour obtenir ce qu'il demande, et l'allemand accepte. Nous craignons pour la vie du papa, et attendons inquiets son retour.

Il les accompagne donc vers le village de Bray-Dunes, qu'ils traversent pour se retrouver dans une ferme amie, les Janssen, tout à l'ouest où les bêtes sont regroupées et mises en pâture. Attendant son bon de réquisition, parlant couramment l'allemenad du fait de sa période d'occcupation en Allemangne en 1920, papa entend des officiers discutant des ordres de résister coûte que coûte dans Dunkerque et d'en faire un camp retranché. Le bon en main, il prend la route du retour, retrouve les allemands, prévenus de son retour, cachés dans les haies, et les quelques pièces d'artillerie camouflées, dont il repère les emplacements.

Nous dormons mal et papa, devant le danger, a décidé d'éloigner sa famille. Loin du village, nous ne savons pas que les allemands ont décrété le couvre-feu. Il veut donc m'envoyer en éclaireur chez notre oncle, Jules Gallon, agriculteur aux Moeres belges, en passant à travers champs. En partant, nous sommes très étonnés de trouver une partie des terres légèrement inondées, et le spectacle de cette eau d'où émergent les pieux "rommel", posés par les allemands pour empêcher les planeurs d’atterrir, est surréaliste. Papa sait déjà que les allemands auront ouvert et bloqué les écluses de Nieuwport, et que l'eau de mer se sera écoulée à marée haute dans ces terres inondables par le canal de Furnes qui déborde.

Au départ, pas de problème, mais dès que nous avons quitté l'abri de la ferme, les allemands qui ont installé un canon sur la dune du Calvaire de Bray-Dunes, nous ont repérés, et nous entendons le bruit du tir d'une pièce d'artillerie. Un obus éclate dans l'eau, à 100 mètres de nous dans une gerbe d'eau. Des éclats sifflent et nous pressons le pas. Aux tirs suivants, nous nous cachons derrière le pieux le plus proche. Papa, toujours très calme, chante à tue-tête piour nous rassurer.

Arrivés au canal de Furnes que je suis censé traverser sur un bac, nous le trouvons coulé... Papa me dit alors de traverser à la nage, ce que je fais, vêtements sur la tête. Arrivé au milieu, j'entends un nouveau tir, oublie mes vêtements et nage en vitesse, la trouille au ventre, pour me mettre hors de portée en conterbas, à l'abri. Je me rhabille, trempé et me mets à courir, haletant et en larmes, pour rejoindre la ferme St Thomas. J'entends encore quelques tirs et pense à papa, poursuivi, et à ma famille. Toutes les routes des Moeres sont plus élevées que les terres, donc sèches. Mais les terres sont légèrement inondées. C'est bien la preuve que les allemands résisteront dans Dunkerque. J'arrive à bon port pour annoncer l'arrivée de la famille.

Les canadiens attaquent le lendemain, et prévenus du lieu où se trouvent les canons et les nids de résistance, traverseront rapidement le village. Mais ils seront arrêtés au-delà de la route de Ghyvelde à Bray-Dunes, qui restera le no man's land pendant toute la durée du siège de Dunkerque....

Jour après jour, l'eau salée rentre dans les terres et envahit les Moeres. Les 4 écluses ont été ouvertes par les allemands. C'est le meilleur moyen de défense pour les enfermés de Dunkerque, comme en 1914. L'eau monte encore et la cour de la ferme, pourtant plus haute, et petit à petit noyée. Nous entendons le canon de temps en temps, voyons les explosions, et s'abattre une à une les cheminées de l'usine des Dunes. Là où nous sommes, nous ne risquons rien de cette guerre si proche, au milieu de cette mer qui se forme. Un jour pourtant, le vent du N.O. monte, et les vagues se forment, butent contre les bâtiments, passent au-dessus du mur du jardin en vagues énormes. Tiendront-ils longtemps?

Des nouvelles nous viennent par un commerçant blege de la frontière qui a pu encore nous rejoindre, chaussé de bottes. L'eau monte toujours. Pour accéder à l'habitation, il y a un escalier double à 2m de hauteur. Tous les autres bâtiments sont inondés. Pour aller chercher les oeufs et nourrir les quatre chevaux, j'uilise un madrier pour me déplacer avec un morceau de gouttière en guise de rame. Cela ne gêne pas un gamin intrépide de treize ans, qui ne voit guère le danger.

Mais il faut fuir et mon oncle prépare les chariots qui nous emporteront. Un mètre d'eau recouvre les routes qui doivent nous conduite à Burlskamp et Hondscoote. Les chevaux ont de l'eau jusqu'au poitrail, et pour les diriger, seuls émergent les arbres du bord de la route. Nous arrivons à destination, "sauvés des eaux"!

Comme vous le savez, le siège de Dunkerque durera 9 mois...