samedi 13 juillet 2013

L'Histoire bégaie

Inutile d'être grand clerc pour remarquer les multiples ressemblances entre ce qui se passe dans le monde musulman aujourd'hui, et ce que l'Eglise (catholique) a vécu autrefois chez nous. On a l'impression que les crises qu'elle a traversées, les rejets qu'elle a essuyés, les luttes qu'elle a suscitées, se retrouvent dans l'islam contemporain, qu'il soit sunnite ou chiite. Bien sûr il y a des différences notables, il ne faut pas pousser le fil à plomb pour dire que le mur est droit. Mais les similitudes sont d'autant plus frappantes. Voyons plutôt.

Pendant des siècles, il eut connivence entre l'Eglise et le pouvoir politique. Chacun y gagnait... L'Eglise pouvait régir la chrétienté, fût-ce en faisant appel au bras séculier, et de son côté le pouvoir était tenté d'instrumentaliser la religion pour se sacraliser et maintenir l'unité du royaume. A l'intérieur de l'Eglise, les clercs donnaient le ton, le sabre s'alliait avec le goupillon, et l'on sait la place que tenait le haut clergé auprès des princes.... Le temps n'est pas si loin où excommunication était synonyme non seulement d'exclusion, mais parfois de menace pour la vie de l’intéressé. A l'image des fatwa lancées par le pouvoir islamique, et qui attirent non seulement les hurlements de haine, mais les condamnations à mort.

En islam sunnite, il n'y a pas de clergé, mais la charia. Alors que le clergé chiite est au pouvoir en Iran. Un pouvoir étouffant et souvent féroce à ce qu'on dit. C'est un pouvoir totalitaire, convaincu que l'islam ne peut se maintenir que s'il est aux commandes du pays. Dans l'Europe d'autrefois, la même conviction n'avait-elle pas cours, notamment au temps des guerres de religion?

Et puis, en Europe, il y eut le Siècle des Lumières, avec la montée des classes moyennes urbanisées. Avec elle, avec la Réforme, la liberté de conscience et la soif de liberté tout court aboutirent à la Révolution. Tout naturellement l'Eglise, assimilée à la royauté, fut sinon perséciutée, du moins poussée gentiment vers la sortie. Pour beaucoup, l'anticléricalisme eut un parfum de libération. Avec le retour des princes, l'Eglise tenta de reprendre la main. Mais il y eut la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la laîcité à la française. Un état de fait largement accepté aujourd'hui, à part quelques nostalgiques d'un retour à la Chrétienté.

Ce que je dis là frise la caricature, mais l'évolution générale ne fut-elle pas celle-là? N'est-ce pas la même évolution que l'on constate aujourd'hui dans le monde musulman? Le sens des multiples "printemps" n'est-il pas le même? Au départ, les révolutions ont réussi à chasser les dictateurs: Ben Ali, Kadhafi etc... Un peu partout, les islamistes ont tenté, et souvent réussi, de récupérer ces révolutions. Or, ce sont surtout les classes moyennes urbaines d'Egypte qui se sont rebellées et ont  organisé, motivé, entrainé les populations. Ce sont elles, les "laïcs", qui tentent de reprendre la main. Les échecs ne manquent pas, telle la révolte contre la théocratie iranienne; et le soupçon qui pèse sur les milices islamistes en Syrie. Mais la soif  de liberté et la réaction contre le pouvoir politico-religieux ne peut s'éteindre.

Un fait significatif: vient de paraître une revue, "Noor" (la lumière) qui se présente elle-même comme voulant promouvoir un "islam des Lumières"!... Mais nous sommes au milieu du gué! Depuis un siècle, les chrétiens se sont attelés à l'étude critique de leurs "textes sacrés". Et le Concile a donné à l'Eglise un nouvel élan, plus évangélique. Je suis certain qun l'islam arrivera un jour ou l'autre à une étude critique du Coran, même si le sujet est encore tabou aujourd’hui. De même, si actuellement le soufisme - l'islam mystique qu'ont rencontré les moines de Tibhirine - n'a pas le vent en poupe, loin de là, n'est-il pas la voie vers un islam plus intérieur, plus tolérant, moins figé sur ses hadiths? Personne ne peut dire comment cela tournera, mais l'évolution parallèle christianisme-islam, avec quelques siècles de distance, permet d'espérer que le vent, et l'Esprit, soufflent du bon côté. Souvent, l'Histoire aime bien bégayer.

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