dimanche 20 juin 2010

Un soir en Camargue

Il y a en chacun de nous, un côté poète qu'un rien peut réveiller. Ce rien, pour moi, ce sont les oiseaux d'eau. Je n'en peux mais, car depuis ma Flandre natale, cela me passionne. La bécassine qui vous surprend au coin d'un watergang, la sarcelle qui fuse d'un fossé, et surtout les longues soirées de "passée" à la hutte ont ponctué ma jeunesse d'émotions ravies.

La "passée"... Au soleil couchant, quand le plat pays se calme, ce sont d'abord les moustiques qui passent, assourdissants mais pas méchants, et puis les hannetons. Ceux-ci partis, un temps de silence absolu d'abord, et puis les bécassines commencent à plonger vers la mare, ailes en V, flèches dans le ciel rouge. Et enfin, après un autre temps de silence, la nuit venue, les sarcelles et les colverts... Voilà les tableaux que je porte en moi... Mais je n'ai écrit aucun poème!
Avec émotion j'ai revu les oiseaux d'eau en Camargue. Et j'y ai retrouvé la magie des "passées". J'y étais l'autre jour avec un jeune docteur, véritable sioux dont l'oeil de lynx repérait le chevalier arlequin à 300 mètres, les spatules rayant le ciel plus loin encore, le héron crabier s'envolant "dans nos bottes". C'était aussi un festival de cris, pas très beaux d'ailleurs: le grincement du bihoreau, l'appel sourd du butor-qu'on-ne-voit-jamais, le sifflement lent des ailes de cygnes posant plus loin. Tout un monde se réveille ainsi au couchant, loin, si loin des bruits du jour, loin surtout des insupportables tonnerres des avions venant de la base de Salon.
Heureux pays où l'émerveillement a toujours sa place!

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